dimanche 9 novembre 2008

Article/La peur de perdre (Gazette des thérapeutes)

La peur de perdre
(http://www.alternativesante.com/gazette/sections/section.asp?NoArticle=507&NoSection=28)

Tout le monde connaît la peur.

La peur, c'est toujours la peur de perdre quelque chose. La peur est une émotion intense qui fige l'individu, le cloue littéralement sur place.

La peur se ressent dans le ventre, dans nos viscères. Que le danger soit réel ou imaginaire, la peur donne toujours l'impression qu'il est question de vie ou de mort.

La peur paralyse tout simplement. Afin de permettre à l'individu de survivre, le cerveau enclenche un processus permettant de concentrer l'apport d'énergie dans les endroits du corps qui en demanderont le plus.

Lorsqu'un animal connaît la peur, les mêmes mécanismes s'enclenchent dans son corps afin de lui permettre de choisir entre deux choses possibles : la fuite ou l'attaque.

Chaque fois que nous avons peur, le souffle devient court, le cœur bat plus vite, le sang cesse de se rendre aux extrémités. Le corps secrète de l'adrénaline. Physiologiquement, nous avons exactement les mêmes réactions que les animaux.

En fuyant et/ou en attaquant, l'animal se libère des toxines que son mécanisme a secrétées. Nous pourrons donc le retrouver un peu plus tard en train de dormir calmement pour récupérer.

Dans le corps humain, il en va de la même, mais de manière générale, les individus ne peuvent fuir et/ou attaquer toutes les situations désagréables. Les toxines secrétées par les stress de la vie courante qui devaient donc s'éliminer par l'effort physique, restent dans le corps et l'intoxiquent graduellement.

Si la personne est soumise à des stress constants, son mécanisme aura tendance à devenir « hypervigilant ». Son cerveau trop actif se mettra à identifier à tort des situations dangereuses alors qu'elles sont en fait inoffensives. Elle aura de plus en plus de mal à se reposer pour récupérer.

Sommes-nous venus au monde pour avoir peur ? Peur de vivre et de mourir ?

Car, il est maintenant bien évident pour moi, les gens qui ont peur, ont peur de vivre et ont peur de mourir.

Ceux qui ont connu des expériences de morts imminentes, ont moins peur de la mort·et moins peur de la vie. Ils osent plus de choses.

La peur amène un chaos si intense à l'intérieur du corps qu'elle perturbe énormément. Elle nous empêche souvent de faire les choix nous permettant de vivre mieux, plus heureux, plus confiant en la vie et en nos propres ressources.

La peur prend parfois des formes difficiles à déceler, elle nous fait reporter continuellement des décisions importantes ou nous empêche d'améliorer notre qualité de vie. La peur se situe davantage dans le cerveau, elle rend l'individu intérieurement instable, et agité. Le courage vient de la peur. Pas de courage sans peur !

J'ai entendu un jour un acteur du calibre de Robert De Niro dire :« Si on me propose un rôle qui me fait peur, je l'accepte toujours. Cela me fournit une excellente occasion de me surpasser et de prendre confiance en moi ».

Le mot « courage » prend sa source du mot cœur. Le centre d'énergie du cœur est au centre de l'individu. Confronter ses peurs nous ramène vers le centre de nous-même, vers notre essence, nous donne confiance en nous et en nos ressources.

Il arrive aussi que les gens perdent un emploi pour en obtenir un autre plus intéressant par la suite. Le fait de perdre ne fait pas de nous quelqu'un d'amoindri. On peut très bien se retrouver gagnant ou grandi d'avoir perdu.

J'ai observé que les gens ont souvent peur de perdre des choses qui ne les rendent pas vraiment heureux. Imaginez un instant un petit singe glissant la main dans une toute petite cage, contenant une noix. Les barreaux y sont parallèles et très serrés. Une fois la petite main dans la cage, lorsque les doigts se referment sur la noix, le petit singe se retrouve prisonnier de la cage. S'il ouvre les doigts, il perd sa noix, et il retrouve sa liberté.

Nos peurs de perdre ne seront jamais nourrissantes, elles nous privent souvent de notre liberté. La vie suit son cours, que nous ayons peur ou pas.

Elle nous privera parfois et sera parfois généreuse. Dans le livre Guérir envers et contre tous, le Docteur Carl Simonton, qui travaille avec des gens malades souffrant de cancer, nous dit ceci :

« La clé de tous les problèmes vient de notre capacité à s'adapter au changement ». Donc de notre capacité à ne pas avoir peur. La vie est faite de changements, de vie et de mort. La vie est donc le changement.

Faire confiance en la vie nous aide à rester en santé. La vie fait en sorte que parfois nous gagnons, et que parfois nous perdons. Gagner tout le temps ne nous apprendrait pas grand chose de neuf.

De plus, gagner vraiment tout le temps nous rendrait sûrement prétentieux et désagréable envers les autres. C'est donc plus facile de s'adapter à la vie lorsque la peur n'y fait pas obstacle.

Par Michelle Roy
Édition juillet 2005

Article/L'engagement amoureux (Redpsy)

L'engagement amoureux
(http://www.redpsy.com/infopsy/engagement.html)

Introduction

Combien de femmes se plaignent du refus d’engagement des hommes qu’elles rencontrent! Combien d’hommes fuient comme la peste les femmes qui réclament leur engagement! Un grand nombre d’entre nous, des femmes surtout, exigent l’engagement de leur partenaire avant de se compromettre elles-mêmes dans la relation. Pour elles, la sécurité virtuelle procurée par l’engagement de l’autre est même un prérequis à leur investissement total dans la relation ou encore une condition «sine qua non» à s’y abandonner. C’est un sujet qui revient souvent en psychothérapie et le travail que nous effectuons à ce sujet est généralement bénéfique. Parfois il permet de redonner vie à une relation qui s’éteignait, d’autres fois de renouer une relation qui s’effritait et souvent il amorce l’approfondissement d’une relation qui autrement aurait été abandonnée, malgré une forte attirance au départ.

A- Un point de vue sur la relation amoureuse

Il serait trop long de définir ici la vision de la relation amoureuse sur laquelle s’appuie cet article. Je m’appuierai donc sur une série d’articles de Jean Garneau se rapportant à l’amour. Ces textes sur l’amour et la vitalité de la relation de couple sont disponibles dans la section infopsy du site www.redpsy.com et devraient être lus avant celui-ci. Les plus directement pertinents à cet article sont «L’amour contact» et «Évaluer la vitalité de ma relation de couple».

Voici un résumé très succinct des principaux éléments que j’en retiens pour cet article. J’invite toute personne à lire les articles suggérés si ces conclusions sommaires ne lui semblent pas suffisamment claires ou lui apparaissent mal fondées.

Deux individus à part entière

La relation de couple à laquelle je réfère dans cet article est celle où les partenaires choisissent d’être des individus à part entière. La relation leur sert à répondre à certains besoins psychiques, mais chacun continue de porter toute la responsabilité de ces besoins. Ceci ne signifie pas qu’ils veulent répondre eux-mêmes à ces besoins indépendamment de la relation; chacun porte ses besoins en ce sens qu’il prend lui-même l’initiative nécessaire pour obtenir satisfaction. Cette responsabilité implique nécessairement qu’on assume un risque: celui de ne pas toujours recevoir la réponse souhaitée.

Une relation mouvante par définition

Comme tout ce qui est vivant, la relation entre deux personnes est en mouvement continuel. Non seulement elle se transforme avec le temps, mais d’un moment à l’autre le vécu de chacun et le rapport entre les deux personnes se modifie sans cesse. La relation s’apparente donc au vécu émotionnel de chaque personne qui, lui aussi, est en mouvement continuel. Nous voyons donc, dans la relation, deux individus dont l’expérience émotionnelle et les besoins affectifs sont en mouvement constant et, par conséquent, une relation qui est en changement continuel. ( Cette notion du mouvement de l’expérience est décrite de façon plus détaillée dans «L’Auto-développement: psychothérapie dans la vie quotidienne» .)

La relation se transforme toujours continuellement, mais c’est seulement à certaines conditions que ce changement se fait dans le sens d’un épanouissement. Une des conditions les plus importantes de cette croissance c’est que chaque partenaire consente à l’existence de ses besoins psychiques et affectifs ainsi qu’à la nécessité d’agir pour les satisfaire (comme nous le faisons pour nos besoins d’ordre physique). Sans ce consentement fondamental, on assiste à une répétition du vécu qui se traduit la plupart du temps par la reprise fréquente des mêmes scénarios relationnels et des mêmes comportements stériles. (À ce sujet, les articles concernant le transfert sont particulièrement éclairants. Voir: «Le transfert dans les relations» et ceux qui y font suite.)

La permanence est un constat

Dans cette relation caractérisée par le mouvement continuel, la permanence du lien est une réalité qu’on ne peut que constater après un certain temps; elle ne peut jamais être décidée à l’avance ou devenir une promesse.

Cette promesse chère aux amants enflammés de faire durer leur amour n’est en réalité que l’expression d’un bonheur actuel qu’ils espèrent faire durer. En plus intense, elle ressemble à celle qu’on fait à des amis de se revoir très bientôt lorsque la soirée a été délicieuse. Rien ne garantit qu’on le fera; la promesse exprime avant tout notre désir de perpétuer le plaisir actuel. Combien d’amitiés de vacances restent sans suite malgré des promesses du genre!

Il faut donc se rappeler de cette réalité fondamentale: l’amour n’est pas un contrat mais une expérience vivante! Le mariage, par contre, en est généralement un: il fournit l’encadrement qui tend à assurer la sécurité qu’on considère comme la «gardienne» d’un amour durable. C’est sur un tel fondement que deux individus peuvent perpétuer une relation sans qu’elle soit «nourrissante». Il existe des milliards de relations dans lesquelles les individus régressent, s’éteignent ou se dessèchent plutôt que de se construire.

Mais ce dont il est question ici c’est plutôt d’une relation entre partenaires qui désirent répondre à des besoins psychiques et affectifs l’un avec l’autre. Et pour y parvenir, il doivent demeurer vivants: chacun doit rester vivant à la fois par lui-même et dans la relation.

Même si la permanence ne peut s’appuyer sur un engagement direct, il demeure que certaines attitudes et certains comportements peuvent la favoriser. Le lecteur pourra facilement repérer ces facteurs dans l’analyse que je propose un peu plus loin.

B- S’investir dans une relation et s’y abandonner ?

S’abandonner à la relation

Avant d’aller plus loin, voyons comment on peut considérer l’engagement et l’abandon dans cette vision humaniste de la relation amoureuse que présente l’Auto-développement.

Commençons par l’idée d’abandon car elle est la plus facile à expliquer. Il s’agit tout simplement de ne pas faire obstruction à la mouvance naturelle de la relation. En d’autres mot, il s’agit de rester vivant et de laisser la relation se développer en conséquence.

Par exemple, il s’agit de vivre sans tenter de contrôler la trajectoire de la relation en usant d’artifices. ne va pas du tout, mais pour ne pas ajouter à la perturbation, je fais comme si tout allait pour le mieux.»

Il s’agit aussi de vivre sans tenter de figer les bons moments. «Nous sommes particulièrement heureux ensemble en ce moment, donc je demeure immobile et n’exprime rien qui puisse intoduire quelque changement.»

De même, ignorer les mauvais passes c’est aussi faire obstacle au déroulement naturel de la relation. «Ce n’est rien, ça va passer tout seul.» Car s’il y a un passage difficile, c’est qu’il y a un problème qui doit être réglé pour que la relation continue son cours sans demeurer «handicapée».

Enfin, s’abandonner à la relation c’est la vivre sans chercher à l’enfermer dans des certitudes illusoires. «Je te promets de toujours t’aimer, de toujours être là.» C’est dans cette perspective que l’on parle du constat de sa permanence.

Au lieu de la viser comme un but, il s’agit de se comporter d’une façon qui peut la favoriser. Et la meilleure manière de la favoriser c’est de s’investir affectivement dans la relation.

J’expliquais un jour ce concept à un homme d’affaires très florissant qui accumulait les échecs dans ses relations amoureuses. Lui qui considérait comme une évidence la nécessité, en affaires, d’investir à long terme pour obtenir des résultats de qualité, me répondit: «Je n’aurais jamais pensé que c’est la même chose en amour». Pourtant il s’agissait d’un milliardaire plus que brillant.

S’investir dans la relation

S’investir dans la relation c’est essentiellement y être vivant et régler les problèmes qui surgissent inévitablement. Il ne faut pas l’oublier: une relation amoureuse réunit deux êtres distincts. Chacun a sa personnalité propre, un passé particulier qui a contribué à le façonner, des besoins affectifs particuliers (même si, pour l’essentiel, ceux-ci se ressemblent d’un humain à l’autre), des besoins individuels qui émergent rarement en synchronisme avec ceux de l’autre, des aspirations qui lui sont propres... une vie qui se déroule en-dehors de la vie à deux. En somme, plusieurs facteurs se combinent pour faire que la relation rencontre inévitablement des embûches à répétition, même sans considérer les perturbations découlant des inévitables de transferts respectifs. (Voir à ce sujet «Le transfert dans les relations» et «Aux sources du transfert» .)

C- L’engagement refusé: un faux problème

L’engagement qu’on tend souvent à exiger au seuil d’une relation de couple n’est pas la sorte d’engagement qui favorise la croissance et la vitalité dont il a été question plus haut. Sans le vouloir, c’est plutôt la sclérose qu’on recherche en demandant l’assurance rassurante de sentiments futurs inchangés. Quel que soit le secteur de la vie, la recherche de sécurité n’est jamais au service de la croissance. Elle constitue au contraire une tentative pour déterminer les directions où la vie pourrait nous amener.

«Dis-moi que tu m’aimeras toujours.» «Promets-moi que nous, c’est pour la vie.»

De telles promesses sont nécessairement impossibles; comment pourrait-on réellement garantir que nos sentiments resteront inchangés sans connaître à l’avance les événements qui pourraient les affecter? Même l’engagement à investir dans la relation pour en traverser les crises, une promesse apparemment plus réaliste, ne peut être que relatif car il suppose une motivation qui resterait intacte indépendamment des événements et du comportement de l’autre.

Je vais présenter maintenant un exemple typique de la demande d’engagement afin de montrer ensuite par quoi cette demande peut être remplacée si on veut permettre à la fois le mouvement et la croissance dans la relation. Je lui donne un titre qui évoque le rêve que bien des personnes caressent secrètement et que d’autres réclament plus ou moins ouvertement.

Si tu m’aimais vraiment, tu me promettrais de toujours m’aimer.

Julia aime passionnément Louis-Philippe depuis huit ans. Ils vivent ensemble depuis environ six ans, sans mariage toutefois. Dernièrement ils ont acheté une propriété ensemble, tous deux conscients que ce choix les liait encore davantage. Louis-Philippe est un père substitut exemplaire pour les deux enfants de Julia. Jusqu’à maintenant, il a traversé (avec courage) plusieurs tempêtes provoquées par les enfants de Julia ou par la relation tumultueuse de celle-ci avec son ex-mari.

Malgré une la grande implication de Louis-Philippe dans le quotidien de Julia et bien que ce dernier soit démonstratif de ses sentiments amoureux, cette dernière demeure insatisfaite. Elle se dit incapable de savourer totalement cet amour. Il lui semble que pour s’abandonner à la relation il faudrait que Louis-Philippe lui promette un amour permanent.

Celui-ci lui refuse toujours cette promesse. Parfois avec impatience, parfois calmement mais toujours fermement.

Au fond d’elle-même, Julia sait bien qu’il a raison: «l’amour ne peut pas s’accompagner d’une garantie» déclare-t-elle lorsqu’elle discute de ce problème avec ses amies. Rationnellement, elle est tout à fait d’accord avec le point de vue de Louis-Philippe, mais sa réaction affective reste imperméable à tous les raisonnements qu’elle se sert elle-même et qu’on lui sert depuis des années.

Il en est de même de son insécurité dans la relation: sa peur de perdre Louis-Philippe et sa conviction qu’il peut toujours trouver une femme plus intéressante qu’elle. Aucun «raisonnement» ne peut et ne pourra jamais la convaincre du contraire.

On peut se demander pourquoi Julia réclame ces déclaration de la part de Louis-Philippe. Pourquoi elle ressent le «besoin», comme elle le dit, d’une garantie sur son amour?

L’engagement de celui qui réclame

Julia est sincèrement convaincue que la solution à son problème résiderait dans l’engagement de Louis-Philippe. Elle est persuadée que si elle obtenait ce serment elle pourrait enfin se laisser aller et profiter pleinement de l’amour qu’il lui prodigue. C’est pour cela qu’elle ne peut renoncer à son attente, même si elle la qualifie elle-même de déraisonnable et d’impossible à combler.

Mais ce que Julia ignore, c’est que c’est elle qui a un problème d’engagement. C’est sa propre peur de s’engager à fond qu’elle projette aveuglément sur son conjoint. C’est ce qu’elle finira par comprendre en psychothérapie.

Mais un premier temps Julia nie vigoureusement toute réticence à s’engager. Comment pourrait-on croire qu’elle n’est pas impliquée à fond dans cette relation alors que Louis-Philippe “sait” bien qu’il est l’homme de sa vie. Ne le lui rappelle-t-elle pas “parfois”? Ne se montre-t-elle pas plus qu’aimante dans leurs rapports sexuels? Ne se plaint-elle pas régulièrement du fait que sa présence lui manque?

Toutes ces preuves peuvent effectivement être considérés comme les signes d’une forme d’engagement. Mais ce que Julia ne fait jamais, c’est de “livrer le fond de son coeur”, sans emballage ni manières subtiles d’en atténuer la portée. Et si elle n’y consent pas, c’est à cause de l’image d’enfant carencée qu’elle craint de donner d’elle-même. Une femme accomplie et indépendante sur le plan professionnel peut-elle donner une telle image d’elle-même? Julia y résiste de toutes ses forces et ce depuis le tout début de sa relation avec Louis-Philippe. (On peut supposer qu’elle avait la même attitude dans ses relations importantes précédentes).

D- Comment faire autrement?

L’expression de la demande exige moins que celle du besoin

Paradoxalement, Julia accepte (parfois) de faire connaître son attente impossible. On pourrait facilement s’en étonner. Pourquoi est-elle capable de demander une promesse d’amour alors qu’elle se refuse complètement à montrer son «besoin» d’amour?

C’est toujours la même chose que fait Julia depuis huit ans (en fait depuis toujours). Elle choisit de mettre l’accent sur sa demande tout en dissimulant son besoin et c’est justement ce qui l’amène à un piétinement stérile dans son développement psychique. Pourquoi continue-t-elle de faire ce choix, malgré la stagnation qu’elle constate assurément dans son cheminement à ce sujet?

Pour comprendre, il faut noter une subtile différence entre une demande d’implication de l’autre et l’implication de soi par la révélation d’un besoin affectif. C’est un piège dans lequel tombent sans s’en rendre compte même les adeptes les plus sophistiqués de la croissance personnelle.

Une partie de l’explication réside, je crois, dans notre environnement culture. Il est relativement acceptable, dans notre société, d’espérer être aimé pour toujours. Plusieurs institutions encouragent même depuis longtemps un engagement de cette nature. Une telle attente est si bien passée dans nos moeurs qu’elle semble relativement acceptable par les esprits modernes. Mais il en va tout autrement des besoins affectifs «infantiles»; ils qui sont d’emblée inacceptables, sinon carrément tabous, aux yeux de la plupart des gens. Laisser voir de tels besoins, c’est sans contredit se rendre très vulnérable: vulnérable à la fois au jugement et au rejet.

Pour Julia, comme pour la plupart d’entre nous, le risque affectif est trop grand. Et si Louis-Philippe la rejetait parce qu’elle manque de maturité affective? Julia est hantée par cette peur chaque fois que surgit en elle le besoin d’être rassurée sur l’amour de Louis-Philippe. Il lui arrive parfois de parler du sujet sur lequel elle se morfond, notamment pour expliquer l’origine d’une querelle que Louis-Philippe ne comprend pas. Mais chaque fois elle se garde de se livrer complètement. Elle transforme son besoin en demande: une demande à Louis-Philippe de «se mouiller» davantage dans la relation. Elle impose alors subtilement une pression à son amant plutôt que risquer de se compromettre totalement. Voici, par exemple, ce qu’elle aurait alors à lui exprimer :

- combien en ce moment elle est dans l’insécurité
- combien son amour est important pour lui donner l’impression d’être aimable etmême pour faire d’elle un être valable à ses propres yeux

Julia considère ces expériences affectives comme infantiles. C’est d’autant plus vrai qu’elle éprouve souvent ce besoin de se faire rassurer. À ses yeux, de tels propos n’ont aucun sens dans une relation entre adultes car ce sont des insécurités d’enfant.

Il est vrai que son insécurité provient de l’échec de ses attachements antérieurs, plus particulièrement avec sa mère qui l’a en quelque sorte abandonnée en tombant gravement malade alors qu’elle était encore toute petite. Ce sont des questions qu’elle a bien explorées en thérapie. Maintenant qu’elle en est consciente, elle espère devenir capable d’être raisonnable et de se comporter en adulte, sachant bien, après tout, que Louis-Philippe l’aime.

L’expression du besoin permet d’évoluer

Tout serait tellement plus simple si Julia parvenait à exprimer ce besoin chaque fois qu’il apparaît. Plus simple pour lui permettre de se développer dans cette relation, plus simple pour maintenir la vitalité de la relation, plus simple aussi pour établir la relation avec Louis-Philippe sur ses bases réelles lorsqu’elle se trouve en transfert avec lui. Enfin et surtout, une telle expression rendrait énormément plus simple et plus efficace sa conquête du «droit à l’existence».

En effet, les besoins vécus par Julia dans cet exemple se rapportent à la problématique d’un «transfert du droit à l’existence». (Voir «Transfert et droit de vivre» .) Louis-Philippe prend alors une valeur de mère substitut aux yeux de Julia. Elle attend de lui ce qu’elle n’a pas suffisamment obtenu de sa mère: la confirmation de fait qu’elle est un être aimable. Sans s’en rendre compte, Julia adopte avec Louis-Philippe la même attitude d’indépendance qu’elle prenait avec sa mère insuffisamment aimante. Elle restait muette et s’éloignait même, de peur de s’imposer. Aujourd’hui, avec son amant, elle tait son besoin criant pour des raisons semblables: il pourrait trouver son besoin insupportable et la rejeter pour s’en protéger.

Ceci conduit à un autre comportement paradoxal. La peur du rejet amène Julia à repousser l’amour de Louis-Philippe: elle n’en jouit pas entièrement et elle ne s’en nourrit pas complètement. Elle n’y croit pas tout à fait, elle s’imagine qu’il peut la tromper, elle a souvent des accès de jalousie et elle est persuadée que cet amour aura une fin. Cette dernière crainte devient une autre raison pour laquelle il lui semble dangereux de s’impliquer sans une véritable garantie. Mais en fait Julia a justement adopté la méthode la plus sûre pour que sa relation échoue :

se tenir sur la réserve, faire pression sur Louis-Philippe pour qu’il s’engage davantage, éviter de se laisser profondément toucher par son amour et en douter malgré des manifestations évidentes.

Selon mon expérience comme psychothérapeute, ce n’est pas le fait d’exprimer à son amoureux toute son importance qui le fait fuir. Ce sont les demandes d’investissement que l’on répète au lieu d’assumer ouvertement nos propres besoins. Ce sont les pressions indues et indirectes qu’on lui fait subir pour qu’il nous donne ce qu’il ne peut nous donner: la promesse d’une constance dans ses sentiments, l’assurance qu’on aura été la seule bonne amante dans sa vie, l’assurance qu’aucune autre femme n’attise son désir... en d’autres mots, l’exigence qu’il se compromette plutôt que de nous compromette nous-même. À mon avis, même l’homme souffrant du syndrome de «la corde au cou» peut supporter d’être revêtu de toute l’importance transférentielle que lui accorde sa conjointe. (Voir «N’y a-t-il pas d’amour heureux» par Guy Corneau.) Il suffit que cette importance ne lui soit pas assignée comme un poids, un devoir de délivrer des actes précis, une obligation d’éprouver ou de ne pas éprouver des sentiments particuliers.

L’expression du besoin affectif

La plupart d’entre nous sommes peu familiers avec la forme d’expression qui permet de sortir d’un piège de ce genre. Les conventions sociales et notre environnement culturel ne l’encouragent évidemment pas. Voici donc un aperçu des éléments qu’elle pourrait intégrer dans une situation comme celle de Julia. (Voir aussi «L’expression qui épanouit» par Gaëtane La Plante .)

L’expression par Julia de son besoin affectif exigerait qu’elle montre à Louis-Philippe l’importance réelle qu’il a pour elle. Elle lui exprimerait ses réactions émotives à propos de son besoin d’être aimée chaque fois qu’elles surviennent. De plus, dans la mesure où elle est consciente d’assimiler Louis-Philippe à sa mère, elle aurait avantage à reconnaître cette réalité afin de mieux intégrer cette expérience affective. Il est fort possible aussi, comme cela se produit souvent, que la conscience de ce transfert allège la responsabilité à laquelle Louis-Philippe pourrait se contraindre, lui-même tributaire de son propre transfert en face de Julia.

Voici donc la forme que pourrait prendre l’expression de Julia à l’égard de sa mère substitut.

Je tiens à toi comme à la prunelle de mes yeux.
Ton amour me valorise.
Chaque fois que tu t’éloignes, je crains de te perdre (même si je sais que c’est insensé).
Je suis jalouse du moindre regard que tu déposes sur une autre femme.
Je vis à peu près constamment dans la peur que tu en préfères une autre à moi (même si tu m’affirmes souvent que c’est moi que tu aimes).
Si tu t’éloignes pour ton travail, j’ai peur que tu te détaches de moi (même si ça n’est jamais arrivé depuis le temps que tu t’absentes régulièrement).
Si je te perdais, mon amour, ce serait la catastrophe.
Etc...
Sache aussi que je ne te demande pas de me donner ce que tu n’as pas envie spontanément de me donner parce qu’il s’agit de ton expression à toi. Je veux seulement te signaler que tu as toute cette importance pour moi.

Et Julia pourrait aussi exprimer ce qu’elle ressent au moment où elle reçoit ce qu’elle recherche sans l’avoir demandé. Par exemple :

Je me sens aimée par toi en ce moment et cela me fait un bien énorme.
Je suis heureuse quand tu me jettes un regard affectueux pendant que tu es occupé à aider le petit à ses leçons. (Je sais que c’est infantile, mais on dirait que j’ai besoin d’un regard amoureux constant de ta part.)
J’ai eu si peur que tu restes éloigné de moi longtemps après que je t’ai manifesté mon mécontentement hier.
Je suis soulagée de voir que ma colère ne t’a pas heurté.
Etc...

Et, si nous comprenons bien les enjeux réels d’une telle expression, nous pouvons ajouter qu’en agissant ainsi, Julia contribue justement à se donner le droit d’être qu’elle voudrait obtenir de Louis-Philippe. Elle s’accorde un droit qu’ils ne serait jamais capable de lui donner, le droit d’exister vraiment en contact avec sa mère et avec tous ceux qui en sont les substituts ou les équivalents.

Conclusion

J’espère avoir montré clairement l’importance de faire la différence entre la demande d’expression faite à l’autre et notre propre expression d’un besoin affectif. Chaque fois qu’il s’agit d’un besoin fondamental rattaché aux conquêtes de “la liberté de vivre”, chaque fois que celui-ci est vécu dans une relation transférentielle, cette distinction est cruciale et détermine les résultats qu’on peut espérer. On ne peut, sans perdre l’essentiel, faire l’économie de ce type d’implication personnelle. C’est le principal prix à payer pour assurer notre développement psychique et aussi notre croissance dans la relation.

Ces besoins fondamentaux sont nécessairement présent dans une relation aussi importante qu’une relation amoureuse. Si on les laisse se manifester uniquement dans les formes indirectes que nos craintes nous amènent à leur donner, ils deviennent la plupart du temps les germes de la destruction du couple ou de sa stagnation qui détruit la vitalité des partenaires. Mais si au contraire on s’emploie à en faire une expression complètement assumée comme celle que je présente dans cet article, on évite de nombreuses frictions stériles et on y gagne un épanouissement considérable et nos libertés les plus importantes.

Par Michelle Larivey, psychologue
Cet article est tiré du magazine électronique "La lettre du psy" Volume 6, No 9, Octobre 2001

samedi 8 novembre 2008

Livre/"Psychologie de la peur"

Psychologie de la peur
Par Christophe André, 2004

Résumé

Nous pouvons tous être en proie à des phobies qui nous paralysent. Christophe André, psychiatre, nous explique comment maîtriser ces mouvements de peur panique.

Quelle est la différence entre une peur et une phobie ?

Une phobie, c'est une peur que nous n'arrivons pas à contrôler par notre volonté. La peur normale est pénible, mais elle ne déclenche pas d'attaques de panique ; la phobie, si. Un phobique perd tous ses moyens. Une peur normale, même au prix de grandes difficultés, on pourra la surmonter ; alors qu'une peur phobique est quasiment impossible à affronter ou à calmer.

Pourquoi devient-on phobique ?

Une phobie vient d'un mélange d'inné et d'acquis. Nous avons tous des peurs spécifiques. Comme les souris ont une peur innée des chats, l'être humain a une peur innée de la violence, de la séparation, de l'inconnu… En grandissant, nous allons apprendre à surmonter ces peurs. Sauf si notre environnement ne nous y aide pas, parce que nos parents eux-même manifestent de la peur, par exemple, ou bien parce que nous avons vécu une mauvaise expérience. Ainsi, la peur innée des chiens peut être aggravée et devenir phobique parce vous avez été mordu par un chien, ou que vous avez vu un film avec des chiens méchants… Certaines personnes, de plus, ont davantage d'émotivité que d'autres. La phobie naît donc de l'addition d'une peur génétique, d'un caractère, et d'un vécu.

Comment lutter concrètement contre ses phobies ?

Pour lutter contre ces peurs excessives, il faut d'abord ne pas en avoir honte. Il faut se dire qu'on n'est pas plus responsable de ces peurs que d'avoir une allergie, une hypertension artérielle, ou du diabète… Il ne faut donc pas culpabiliser, mais considérer ses phobies comme le dérèglement d'un phénomène de peur au départ naturel. Ensuite, pour remettre la peur à sa juste place, il s'agit d'apprendre à la maîtriser, avec des travaux pratiques. Ces "exercices" consistent à se confronter à sa peur, de manière progressive et surtout très régulière. En faisant ce travail de manière consciencieuse, on arrive à modifier sa biologie de la peur : le cerveau, ou plus exactement l'amygdale cérébrale qui est le centre de la peur, commence à réagir différemment.

Quel est le travail psychologique à effectuer en complément de ces exercices pratiques ?

Effectivement, il ne faut pas se contenter du "passage en force" par la pratique, mais complèter par une approche psychologique. La psychanalyse peut être utile pour remonter aux origines de la peur et les décrypter. Mais il faut surtout développer ce que j'appelle une "sagesse de la peur" : accepter de regarder en face les scénarios-catastrophe. Les phobiques des chiens ont peur de se faire mordre, les claustrophobes de s'étouffer, les phobiques sociaux d'avoir des remarques désobligeantes… On demande au patient d'accepter que cela puisse arriver. Personne ne peut vivre avec le risque zéro. On ne peut par exemple pas espérer qu'on ne sera jamais ridicule en public, qu'on n'aura jamais d'accident, etc… La solution n'est pas de verrouiller sa vie pour essayer que cela n'arrive pas, mais d'intégrer que ces choses-là font partie des risques de la vie...

Source : http://www.linternaute.com/femmes/psychologie/conseils/0412peurs.shtml


Présentation de l'éditeur

" Elle nous sauve parfois la vie. Mais elle peut aussi nous la gâcher. Elle nous fait trembler, pleurer, reculer. Elle nous contraint à de multiples renoncements. Elle nous frappe tous. Elle est un handicap pour la moitié d'entre nous. Et elle vole sa liberté à une personne sur dix. Qui est-elle ? La peur... "

Voici un livre de référence qui vous fait comprendre pourquoi les mécanismes de nos peurs peuvent parfois se dérégler, et comment notre cerveau émotionnel prend alors le pouvoir. Au travers de récits étonnants, parfois bouleversants, l'un des meilleurs spécialistes français des peurs et phobies vous entraîne avec lui dans ses séances de thérapie. À partir de son expérience de médecin et depsychothérapeute, il vous explique comment guérir durablement de vos peurs.

Biographie de l'auteur

Christophe André est médecin psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris. Tous ses livres ont rencontré un très grand succès : Vivre heureux ; L'Estime de soi, La Force des émotions, Comment gérer les personnalités difficiles (avec François Lelord) ; La Peur des autres (avec Patrick Légeron).

Source : http://www.amazon.fr/Psychologie-peur-Craintes-angoisses-phobies/dp/2738114253

Témoignage/Phobie de l'engagement : trucs et astuces

Phobie de l'engagement : trucs et astuces
par Tibelo (extraits)


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Je suis un phobique de l'engagement. J'adore ma copine qui habite loin, on s'entend super bien, super discussion, mêmes goûts, attirance physique réciproque, bref tout ça pour dire que c'est la fille qu'il me faut.

Mais je suis phobique de l'engagement. Quand je reste une longue période avec elle, je commence à avoir des doutes énormes, je change, je ne la vois plus comme elle est, je ne fais que regarder les autres filles (alors qu'à distance pas de souci), etc.

Je l'ai blessée plusieurs fois, et quand elle reviendra bientôt, je n'ai pas envie de la blesser à nouveau par mon attitude délirante et la voir partir à jamais.

(...)

Ce type de phobie se caractérise par un stress lorsqu'on se sent enfermé, cad quand on est avec la personne et que tout va bien (laissant présager que la relation va durer). En général, le stress disparaît avec la distance, le phobique se sent moins oppressé car il a l'impression d'être libre. Il peut donc laisser aller ses sentiments.

(...)

Ce qui est troublant, ce que le phobique a l'impression que c'est la personne qu'il n'aime pas, il ne voit plus que ses défauts. Mais en fait son inconscient a peur de l'engagement. Dans mon cas, c'est flagrant, car à froid, je sais que ma copine est une personne super.